Bien que cela ne soit pas en lien direct avec la préparation de la consultation et donc une prise en charge de qualité, il me paraît tout de même important d’informer les patients de l’avenir de la médecine en France et ses projections, qui ne sont que peu reluisantes. Je vais réagir sur certains propos lors des consultations qui m’ont été rapporté directement/indirectement pour que vous puissiez bien appréhender la conjoncture actuelle
« Les dépassements d’honoraires, ça me met hors de moi »
Je suis obligé de commencer par cet aspect qui reflète parfaitement la régression du système de santé français.
Au lieu de reprocher au médecin de pratiquer cette modalité tarifaire, savez-vous au moins pourquoi ce praticien instaure cela à son cabinet ?
Pensez-vous sincèrement que le médecin pratique cela avec un plaisir sadique d’exposer le patient à des honoraires pour lesquels le patient ne sera peut-être pas remboursé ?
Je reste particulièrement surpris de l’attitude des patients me signalant cela, mais ne s’offusquant absolument pas de la prise en charge déplorable de l’assurance maladie, de même que des mutuelles face aux honoraires du médecin. Ces mêmes assurances (car ce ne sont QUE des assurances santé) pour lesquels vos cotisations sont importantes, avec un niveau de remboursement/prise en charge insultant.
A croire qu’il est beaucoup plus simple de taper sur le « méchant médecin », agrémenté d’expression surfaite de type « serment d’Hypocrite », alors que le médecin n’a pas fait vœu de gratuité.
Un médecin, surtout dans la conjoncture actuelle, coûte particulièrement cher. Comme dans toute économie de Marché, la loi de l’Offre et de la Demande n’échappe pas au domaine médical.
Tout comme un médecin n’a pas à être la variable d’ajustement entre le patient et son assurance maladie, c’est un contrat qui lie le patient et son assurance maladie, et rien d’autre.
Toutefois, pour répondre à la question : un médecin est également exposé aux contraintes économiques, à l’inflation, au progrès technique…
Je me suis amusé à calculer le coût de certains actes techniques s’ils étaient indexé à l’inflation (je rappelle que certains des actes techniques cardiologiques n’ont pas été revalorisé depuis 15 ans pour certains) : je constate que mes compléments d’honoraires ne font que couvrir cette inflation galopante, sans aucune autre forme de profit supplémentaire..
Le coût de la Vie augmente, et les médecins ne sont pas épargnés par cela pour autant.
A titre informatif, afin de proposer une expertise médicale toujours de meilleure qualité, je bénéficierai d’un changement de l’appareil d’échocardiographie pour 2023, cela implique un coût + important à assumer, que les compléments d’honoraires me permettent d’amortir.
Dans le cas contraire, je ne pourrais vous proposer une médecine actualisée. A moins que cela vous convienne d’être soigné sans avoir toutes les chances de votre côté…
Pour ma part, ce n’est pas le cas.
« C’est difficile de trouver un cardiologue »
La faute aux différents gouvernements successifs de ne pas avoir anticiper (et pourtant : Gouverner, c’est prévoir dit-on) le départ en retraite de mes prédécesseurs.
Malheureusement, les praticiens actuels ne sont pas responsables de cette pénurie, cette même pénurie ne s’améliorera pas tant qu’on ne permettra pas aux professionnels de santé d’être revalorisé de manière substantielle.
La grande majorité des actes devrait prendre en moyenne 100% de valeur par rapport au coût actuel.
Je vous épargnerai les notions de « pénurie » successive de certains médicaments annoncé par les médias, mais qui révèlent surtout un refus de l’Etat de payer le prix réel d’un médicament pour des raisons économiques. En clair, je suis profondément inquiet concernant l’évolution de pays.
Le système français est ainsi fait, exploiter de manière démesurée le dévouement des professionnels de santé a ses limites. Aujourd’hui, l’ensemble du corps médical a dit stop à cette gabegie.
« Vous avez prêté serment »
Oui et non.
D’une, le serment n’est pas obligatoire pour pratiquer le métier.
De deux, le serment est un mode de pensée et non quelque chose à prendre à la lettre.
De trois : Hippocrate était un aristocrate grec qui avait plusieurs esclaves pour s’occuper de lui. Je ne pense pas que réinstaurer l’esclavagisme même moderne serait une bonne chose dans notre société occidentale.
De quatre : Il est également notifié dans ce serment qu’un médecin doit conserver l’indépendance pour exercer sa mission.
Or, il me semble que l’assurance maladie augmente après chaque convention son étreinte envers le médecin, à lui dicter sa façon de pratiquer, à lui reprocher certaines prescriptions même si elles sont justifiées etc… de là à dicter sa rémunération en fonction d’objectifs atteintes.
On est donc loin du serment d’Hippocrate, mais qui dérange tout de suite moins de monde étrangement.
En clair, le serment n’est pas l’argument ultime pour soumettre un médecin à ses propres volontés/envies que vous n’accepteriez pas vous-même.
Par la même, on constate régulièrement un manque cruel de respect des médecins français que cela soit par l’Etat, par l’assurance-maladie, par les patients, par les instances, qui implique :
- - Soit une expatriation pure et simple, d’autres pays seront plus conciliants envers les médecins français et sauront les respecter à leur juste valeur
- - Soit un arrêt du métier, ce qui implique donc de diminuer encore + les forces vives. Toutefois, c’est également une volonté politique « Moins de médecins, moins de soins et donc moins d’argent à dépenser ».
« Déconventionnement »
Tous ces éléments pour terminer sur ce point : Déconventionnement.
Un médecin doit être indépendant quant à la pratique de son métier. L’assurance maladie, volontairement ou non, continue d’exercer une contrainte croissante. Je vais vous en citer 2, qui sont absolument choquantes :
- - Un seuil de télé-expertise/télé-consultation ne dépassant pas 20% des actes médicaux réalisés au cabinet.
Il faut savoir qu’aujourd’hui grâce au progrès technique et en fonction des spécialités, on peut tout à fait se permettre de donner un avis sans forcément devoir voir le patient directement en consultation. Soit voir un patient à distance (télé-consultation), soit donner un avis sur un patient présenté par un confrère (télé-expertise)
Dans mon domaine, je répondais jusqu’à peu à des avis sur des électrocardiogrammes pour aider le confrère mais surtout le malade afin de donner des premières directives et surtout : s’il était légitime de consulter un cardiologue pour un bilan ou non.
Pour être transparent avec vous : ce travail est rémunéré 20 euros par patient sollicité. En clair, pour 20 euros : une expertise médicale peut être arrêtée sur un patient (possiblement vous, par l’intermédiaire du médecin qui demande cet avis), vs approchant les 70 euros si on se base sur les tarifs de l’Assurance Maladie. En clair, économiquement : c’est tout à fait intéressant pour l’Etat.
Sauf que l’assurance maladie a mis un quota sur le nombre de télé-expertise possible : 20%. En clair, je ne peux plus donner d’avis envers mes confrères dans le besoin, les patients devront donc attendre de voir un cardiologue (avec le coût que ça implique) pour avoir cet avis. Je pourrais reprendre cette pratique à partir de 2023.
Absurde n’est-il pas ?
- - Actes gratuits/Cumuls d’acte.
- - La consultation
- - La réalisation d’un électrocardiogramme
- - L’échocardiographie
L’assurance maladie, pour une raison que j’ignore totalement, stipule que plusieurs actes ne peuvent être cumulé le même jour, et que seul l’acte le plus cher pourra être côté, le reste des actes ne sera donc pas rémunéré.
En clair, si on doit assimiler cela à une boulangerie : Vous pourriez acheter 3 baguettes de pain au prix d’une seule. C’est totalement absurde et sans aucune forme de raison économique..
Cela implique donc :
- - Soit au cardiologue de réaliser des actes gratuits s’il pratique l’ensemble des actes le jour même (côte uniquement l’échocardiographie et considère la consultation + ECG comme gratuite)
- - Soit au patient de revenir pour dispatcher les actes complémentaires à réaliser, pour ne pas être lésé de cela.
In fine, je constate malgré les différentes consignes que voir le patient en 2 temps permet d’avoir un dossier souvent plus complet et de répondre à plus de problématiques qu’en un seul temps (oubli de document/dossier cardiologique), je ne suis pas certain qu’en cas d’arrêt de cette règle absurde j’en viendrais à faire tous les actes en une fois.
Mais sachez bien que cela était la motivation principale.
Moralité : En médecine, il n’y a rien de gratuit, jamais. Uniquement des concessions faites par des médecins qui, aujourd’hui, ne supportent plus la violence de traitement qu’ils subissent depuis des décennies, sans aucune perspective de changement.